Dans un monde peuplé d’humains sans jambe, sans bras ou sans tronc, Gus et ses trois têtes fait office d’exception, voire d’anomalie. Esclave moderne œuvrant dans une usine où la cadence est intenable, Gus broie du noir, et les spiritueux qu’il ingurgite lors de quelques beuveries désespérées ne lui apportent que des trous noirs abyssaux, et zéro réponse à sa quête de sens et d’identité. Une psychanalyse qui patine, une mère spécialisée dans les reproches, un secret de famille bien gardé – Gus, en perpétuel conflit avec lui-même, ne sait à quoi se raccrocher. Mais le jour où la cadence augmente encore sur les chaînes de montage, l’homme aux trois têtes craque et rend son tablier dans un coup d’éclat exemplaire. Un comportement détonnant qui fera de Gus le coupable idéal d’un sabotage survenu dans la grande usine…
Dans des pages denses au noir et blanc soigné, et avec un sens de l’absurde assumé, Rachel Deville décrit un monde fantasque miroir du nôtre, un monde un peu fou qui produit trop, mais offre peu. Pourtant Le Grand Je n’a rien d’un livre cynique ou désespéré, et se présente même plutôt comme une belle ode à la désobéissance, et une invitation à l’insoumission.
Rachel Deville est une autrice rare (Lobas chez Sins Entido, L’Heure du loup à L’Apocalypse, La Maison circulaire chez Actes Sud); elle réalise avec Le Grand Je un livre d’une grande originalité, qui fait se marier de façon insolite psychanalyse et lutte des classes.
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