Helge Reumann n’est pas un inconnu: ces dernières années, on l’aura vu tenter de corrompre notre fière jeunesse avec quelques beaux titres parus au Rouergue (Bagarre, Poursuite); il aura également fricoté avec le monde de l’art contemporain, en compagnie de Xavier Robel au sein d’Elvis Studio, où ils produiront ensemble quantité d’affiches géantes et surtout l’incontournable Elvis Road; puis en solo, il offrira à Atrabile l’occasion de faire son livre le plus beau et le plus imposant (Black Medicine Book). Pendant toutes ces années, il n’aura eu de cesse d’essaimer son talent au sein de la fine fleur de l’édition (réellement) alternative (United Dead Artist, le Dernier Cri) et dans quelques revues de choix (Kramers Ergot, Bile noire). H. Reumann n’est pas un inconnu, donc, mais il s’est pourtant fait rare dans le magnifique monde de la bande dessinée. Il suffisait d’être patient, et le voilà débarquer avec cet incroyable, et incomparable, SUV. Dans SUV, H. Reumann ne change pas de cap et travaille toujours les mêmes obsessions: violence urbaine et nature austère domptée par l’homme, règlement de compte à coup de tatane, et une méfiance généralisée pour tous ceux, et celles, qui marchent au pas. Il y a bien de la folie, et de l’humour, dans SUV, mais distillé à la sauce Reumann, avec une mise en page et un trait aussi rigoureux que beau, un côté pince-sans-rire qui sait faire des ravages, et une ambiance inquiétante et étrange qui est presque devenue une marque de fabrique.